Qu’est-ce que l’esclavage ? Une histoire globale.

Qu’est-ce que l’esclavage ? Une histoire globale.

Livre de Olivier Grenouilleau, aux éditions Gallimards,

Mon analyse : Comparant l’esclavage aux autres formes d’exploitations de l’homme, il parcourt l’espace et le temps, depuis l’invention même de l’esclavage au néolithique, jusqu’à nos jours. Associant exemples et analyses au service d’une approche globale, il s’inscrit au-delà même de son sujet, dans de nouvelles manières de penser l’histoire.

Au terme de la démonstration, l’esclave apparaît en tout temps et en tout lieu comme une personne transformée en un autre, susceptible d’être utilisée comme une chose, et dont l’humanité est mise en sursis. Il n’en demeure pas moins un homme, mais un homme-frontière, dont l’appartenance à la société des hommes dépend de la médiation de son maître…

Voici encore un livre très bien cousu. Je le trouve d’une modernité éclatante. Il retrace l’histoire des quatre discours et particulièrement celui du Maître et du Capitalisme.

Pour nous, psychanalystes, les quatre discours et le cinquième…, s’écrivent via les mathèmes ci-dessous:

Pour y rentrer, il faut entendre que les 4 éléments organisés, sont  constitutifs de tout discours et peuvent occuper quatres places permutantes :

  • Agent,
  • Autre,
  • Produit « plus de jouir »,
  • Vérité.

Quatre places que relient deux fonctions situées de part et d’autre d’une barre qui a la valeur de celle de l’algorithme saussurien (S/s) :

  • « mise au travail » marquée d’impossible : ==>
  • « résolution marquée d’impuissance » :

En suivant la proposition de Lacan, on peut donc donner, par ces mathèmes, la matrice générale de tout discours où les éléments s’articulent, autour donc, d’une « mise au travail » effectuée par l’Agent et d’une « impuissance » qui sépare le produit du discours de la vérité.

 

Cf. Jacques Lacan, Séminaire XVII : Lenvers de la psychanalyse, p. 31-43.

http://freud.lacan.pagesperso-orange.fr/textessite/4discours.html

  • S1, Le maître, le signifiant maître est à concevoir comme ces lettres, petites vocalisations, à peine marquées de sens, qui pourtant gouvernent le sujet. C’est donc le Il ne désigne pas ici le propriétaire, l’avocat, ou le maître de conférence, tel l’universitaire, pas plus que le « sujet supposé savoir » qui, comme on le sait, peut se monnayer sous des formes diverses. Le maître, ici, c’est l’inconscient, le sujet de l’inconscient.
  • S2 représente les savoirs dans leur diversité, le signifiant du savoir.
  • S barré, $, représente l’hystérique, l’insatisfaction, l’émotion, le sujet désirant.
  • Le petit a représente le plus de jouir, l’objet cause du désir au centre du nœud borroméen, la plus value, le nombre d’or, le plus de jouir, l’objet central de la psychanalyse.
  • Il ne fonctionne lui aussi qu’en tant que vide dynamique que ce soit comme « voix, regard, fèces, seins ou rien ».
  • C’est Le travailleur idéal, dans le conscient, c’est « Celui dont Marx a fait la fleur de son économie », explique Lacan; mais c’est ce qui n’a fait que conforter le discours du capitaliste, comme l’a montré l’histoire du monde.

Dans son séminaire XVII, Lacan en conclut :

« Il y a des surprises en ces affaires de discours, cest même là le fait de linconscient ». En conclusion, la pratique du divan reste la solution la plus décisive. « Le discours que je dis analytique, cest le lien social déterminé par la pratique dune analyse » (p. 27).

Le discours analytique? Qu’est-ce donc qu’un analyste ?

Lacan répond : « Venons-en donc au psychanalyste et ny allons pas par quatre chemins. Bien que ces quatre chemins nous mèneraient tout aussi bien là où je vais dire. Cest quon ne saurait mieux le situer objectivement que de ce qui dans le passé sest appelé un Saint » (p. 28).

J’affirme donc que c’est le discours analytique qui nous extirpe de toutes formes d’esclavagismes et que c’est pourquoi j’ai matérialisé mon « logo »  en Saint (Rq: « logos » en grec veut dire discours), acoquiné du Symptôme (le 4éme cercle) autour de la taille, de la zone génitale, de l’appareil sexuel… cela a donné le logo de « Brunipraxis ».

Mais qu’est-ce à dire un saint pour moi? Comme pour Lacan? Comme pour le psychanalyste Guy Massat?

Le psychanalyste, un saint ? Lacan, un saint ? Voilà qui semble apporter une eau plus forte au moulin de ses contempteurs. Les « Onfray » vont pourvoir en faire leurs choux gras : « On avait bien dit que la psychanalyse est une religion ! ».

Et Guy Massat qui ne manque jamais l’occasion de parler du Tchan et du Taoïsme; il veut nous convertir, lui aussi ?

Si vous avez lu Roudinesco, l’historienne de la psychanalyse, ou même simplement, le petit livre intitulé Un père (Gallimard, folio) de Sibylle Lacan, sa propre fille, où elle relate ses relations avec lui, vous aurez vite compris qu’il ne peut s’agir d’un saint, au sens ordinaire du terme. Ce ne peut être un saint selon une religion, quelle qu’elle soit, ni même au sens figuré du terme : une  » personne dont la vertu, la bonté et la patience seraient exemplaires « . C’est l’inconscient qui doit être saint, saint, ou sain ou seing ou cinq, comme les cinq discours que nous avons vus. Selon la liberté vocalique de l’inconscient.

Le Saint, pareil à l’inconscient, c’est ce qui ne se remarque pas.

 » Personne ne le remarque « , dit Lacan (p. 28), quand il suit la voie de Baltasar Garcian, celle de ne pas faire d’éclats » . Baltasar Garcian est un philosophe et jésuite espagnol du 17e siècle. On le décrit comme étant un  » esprit ambidextre  » qui sait toujours  » discourir sur deux versants  » — tiens, voilà l’Unbewusst, la bévue, la double vue — Garcian est à la fois l’héritier des sophistes, de Gorgias notamment, ou de Machiavel. L’idéal qu’il propose est un « gouvernement de soi », qu’il veut à la portée de tout le monde. Ce qu’il propose est un art de la réussite et de l’efficacité. Dans le monde, dit-il, il faut user « des moyens divins comme s’il n’y en avait point d’humains et des moyens humains comme s’il n’y en avait point de divins ».

Pour cela Garcian utilise les paradoxes, et les jeux de mots. Au fil des générations, ses lecteurs s’appellent La Rochefoucauld, Schopenhauer (qui l’a traduit en allemand en 1861), Nietzsche, et bien sûr Lacan.

Son traducteur français Amelot de la Houssaye (17e s), « a cru, nous dit Lacan, qu’il s’agissait de l’homme de cour », c’est-à-dire du courtisan ou de la courtisane. Confusion donc du conscient et de l’inconscient. Comme quoi, il y a des Onfray dans tous les siècles.

 » Un saint, pour me faire comprendre, poursuit Lacan, ne fait pas la charité. Plutôt se met-il à faire le déchet : il décharite , rien n’est cher, rien n’a de valeur ».

Ici, je ne peux m’empêcher de citer Lao-Tse. Le saint, dans le Daodejing, se dit Shèng, 聖. Le caractère figure la bouche, les oreilles, et le vide, le sans valeur, reliant ciel et terre. C’est le saint sans religion.

Dans le poème n° 20 Lao-Tse se décrit ou plutôt décrit le « saint », d’une manière qui pourrait s’appliquer à ce que dit Lacan :

« Le monde est plein de gens brillants, moi seul je suis obscur.
Les gens sont clairvoyants, moi seul reste ahuri.
Aussi peu fixé que la mer je suis comme un vent qui jamais ne cesse.
Les hommes ont tous des affaires, moi seul suis borné et inculte.
Seul, je diffère des autres hommes en ce que je nestime rien que de me nourrir de la mère parole. »

J-E Brunie